Internet : le nom de domaine du Mali bradé

Plus besoin d’être Malien ou  de payer quoi que ce soit pour avoir une adresse en .ml.

En  déléguant la gestion du .ml à l’étranger, le Mali a gagné des internautes mais perdu son identité.

Depuis mars 2013, le Mali est devenu le premier pays africain  à offrir gratuitement son nom de domaine internet. « Le .ml, c’est l’identité du Mali ! En rendant le pays visible sur Internet, il permet aux Maliens de faire du business et donne une meilleure image du pays dans le monde entier », a affirmé dans « Le Monde » Moussa Dolo, directeur général de l’Agence des technologies de l’information et de la communication (Agetic), le gestionnaire en chef du .ml.

Plus besoin d’être Malien ou  de payer quoi que ce soit pour avoir une adresse en .ml. La démarche est gratuite, sans régulation.  Deux ans après cette mise à disposition le nombre de sites en .ml a explosé. Il est passé de quelques centaines… à plus de 160 000 selon les chiffres de l’Agetic. Mais à y voir de près cette opération loin d’être un coup de marketing ressemble fort à un bradage en règle de l’identité malienne sur internet.

                                         Moussa Dolo, directeur général de l’Agetic→                            

C’est par défaut  de moyens financiers et d’infrastructures adaptées, que l’Agetic a dû déléguer la gestion du .ml à l’étranger, à la société luxembourgeoise Freenom, spécialisée dans l’attribution et la gestion de noms de domaines gratuits et qui n’a pas bonne presse. Aujourd’hui n’importe qui, sur n’importe quel continent, peut s’offrir une adresse avec suffixe .ml. Et à cause de l’absence de régulation, les faux sites crapuleux, se multiplient. Le .ml est devenu le deuxième domaine national le plus touché par les pratiques de phishing ou hameçonnage (utilisée par des usurpateurs d’identité pour obtenir des renseignements personnels sur les internautes). De l’aveu même de l’Agetic, 94 % des noms de domaine en .ml sont enregistrés en dehors du Mali. Seuls 10 000 sont le fait d’internautes nationaux.

Le Mali ne tire aucun bénéfice financier de cette opération qui lui permettra de développer son infrastructure numérique. Alors que tout le .ml n’est pas gratuit chez Freenom qui vend des centaines d’adresses premiums. Pour avoir une adresse .sn, le nom de domaine du Sénégal, il faut débourser  entre 10 et 15 dollars et pour un .fr (France) 5 à 6 dollars.

Même si selon les chiffres de l’Icaan, la société pour l’attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet,  il n’y aurait que 1,2 million de noms de domaines à suffixe nationaux enregistrés sur le continent dont la quasi-totalité se trouve en Afrique du Sud (950 000 .za), en Afrique du Nord ( 100 000) ou au Nigeria (30 000 .ng). Rien ne justifie la décision de l’Agetic, d’attendre encore six ans avant le  rapatriement de la gestion du .ml au Mali qui a sans doute plus d’enregistrements que le Sénégal (5 000) ou le Niger (2 000). En attendant le nom de domaine du Mali sera dévoyé sur Internet.

A. DIALLO